Un message de solidarité et de soutien

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En ces temps difficiles, où nous sommes les témoins directs des ravages que les séquelles du colonialisme et de l'esclavage continuent de faire subir à la société, le Réseau international de chercheurs et de militants pour les réparations africaines (INOSAAR) souhaite envoyer un message de solidarité et de soutien à tous nos membres, ainsi qu'à ceux qui figurent sur notre liste de diffusion et au-delà. Nous espérons que vous êtes en bonne santé et en sécurité.

Bien que la fondation et la mission d'INOSAAR se soient concentrées sur le mouvement pour les réparations de l'esclavage, du génocide et de la colonisation africaine, et sur l'injustice et la déformation de l'identité africaine qui en ont résulté, nous condamnons officiellement les meurtres policiers et les autres injustices commises quotidiennement contre les peuples noirs aux États-Unis et dans le monde. Nous reconnaissons et affirmons que ces violations de la vie humaine et des droits de l'homme ne sont pas nouvelles, mais qu'elles s'inscrivent dans un schéma d'oppression et d'abus qui va de l'esclavage légalisé  au système de location des forçats, en passant par la ségrégation « Jim Crow », l'éducation inégale et les soins de santé inférieurs. Nous sommes consternés par la vague contemporaine de meurtres commis par ceux qui sont habilités à faire respecter la loi. Nous sommes solidaires de ceux qui, aux États-Unis et dans le monde entier, demandent une réparation juridique immédiate et nous réaffirmons avec le Dr M.L. King, Jr que justice trop longtemps retardée est justice refusée.

Alors que les manifestations de solidarité pour George Floyd se multiplient dans certaines parties du monde, les membres de l'INOSAAR basés ici au Royaume-Uni établissent des parallèles avec les manifestations aux États-Unis en amplifiant le cri selon lequel « le Royaume-Uni et les autres puissances européennes ne sont pas innocents »[Traduction]. De même, l'attention est attirée sur le fait que les crimes de haine du racisme afriphobe et anti-noir ne se produisent pas seulement dans le monde minoritaire du Nord, mais qu'ils se produisent massivement dans le monde majoritaire du Sud. Les exemples de ces crimes de haine racistes de l'Apartheid mondial ne se limitent pas à la brutalité policière, mais s'étendent également aux guerres de conquête et de changement de régime, que les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et d'autres puissances de l'OTAN commettent dans leur quête de ressources et autres pillages extractivistes ; ce qui entraîne l'aggravation du climat et de la crise écologique, qui font les ravages du génocide et de l'écocide contre lesquels certains d'entre nous à l'INOSAAR sont activement engagés dans diverses formes de rébellion, telles que la réparation et la décolonisation du système éducatif.

C'est pourquoi l'une des tâches les plus importantes que nous aimerions que tous, à l'intérieur et à l'extérieur de l'INOSAAR, se joignent à nous pour faire avancer les choses, est de mieux organiser et harmoniser nos efforts pour nous assurer que nous pouvons arrêter les préjudices qui continuent à se produire et mettre en place les réparations holistiques qui sont nécessaires maintenant plus que jamais. C'est dans cet esprit que nous vous écrivons pour vous donner des nouvelles de notre récente activité.

Tout d'abord, nous avons finalisé et soumis une nouvelle subvention au Arts and Humanities Research Council (Conseil de la recherche sur les arts et les sciences humaines, AHRC) dans le cadre de son programme de financement complémentaire. En cas de succès, elle nous permettra de mettre en œuvre certaines des recommandations qui ont été formulées lors des réunions qui se sont tenues au Royaume-Uni et en Afrique de l'Ouest avec des organisations militantes et des chercheurs, dans le cadre de l'ancien projet de réseau du AHRC (2017-19) lié à la Décennie internationale des Nations unies pour les personnes d'ascendance africaine (IDPAD, 2015-24) [Reparations for Slavery : From Theory to Praxis, AH/P007074/1]. Ces recommandations se trouvent dans notre Rapport global (septembre 2019).

Organisées en collaboration avec la Pan-Afrikan Reparations Coalition in Europe (Royaume-Uni) et l'Association Panafricaine pour une réparation globale de l'esclavage (Bénin), ces réunions ont conduit à la création de l'INOSAAR et à une compréhension plus holistique de la signification de la réparation et de la justice réparatrice du point de vue de la communauté africaine. Il s'agissait notamment de trouver des moyens créatifs de guérir les séquelles de longue date de l'esclavage des Africains, y compris la perte culturelle et la dégradation de l'environnement, et de mettre en évidence le manque de recherche sur les modèles de réparation qui font appel à des formes de réparation culturelles, spirituelles et environnementales. Comme nous l'avons noté dans notre Rapport, de nombreux modèles existants favorisent des approches descendantes, dirigées par l'État, qui s'appuient sur les tribunaux de droit international et le remboursement monétaire ; alors que nous avons identifié l'importance égale des initiatives de base, dirigées par la communauté, qui sont axées sur la réparation de la perte de la culture et de la spiritualité africaine, et les liens entre la réparation culturelle/spirituelle et l'environnement. Ces deux domaines interconnectés constituent la base de notre candidature au AHRC. Le premier concerne les processus par lesquels les descendants de ceux qui ont été déplacés de force d'Afrique peuvent rétablir leurs liens culturels et spirituels avec le continent africain ; un processus connu sous le nom de « ramatriement ». Le second porte sur la manière dont les luttes pour la justice réparatrice sont sous-tendues par la nécessité de réparer la planète, ‘Planet Repairs,’ et sur le rôle que la culture et les connaissances africaines peuvent jouer plus largement dans la contribution aux mouvements sociaux écologiques et réparateurs. En réponse, nous avons identifié un projet en trois phases avec des buts et des objectifs spécifiques :

  • Phase 1. Créer un documentaire vidéo de haute qualité au Bénin sur la perte culturelle et la reconnection des descendants africains au continent avec un accès sans précédent aux sites culturels et spirituels béninois ;
  • Phase 2. Développer la participation des jeunes africains à l'activisme en matière de réparation par le biais d'un atelier de formation au Ghana axé sur la réparation de la planète et de la culture, y compris une formation professionnelle en communication et réalisation vidéo ;
  • Phase 3. Développer des liens avec les leaders traditionnels africains au Ghana (en s'appuyant sur nos relations existantes au Bénin) par le biais d'un atelier sur le ramatriement et la réparation de la planète, et sur l'importance de l'élaboration de politiques qui facilitent ces processus.

Chaque phase vise à sensibiliser et à approfondir notre compréhension de la réparation liée à la culture, au culte et à la réparation de la planète, tout en contribuant au Mouvement social international pour les réparations africaines (ISMAR). En travaillant étroitement avec la communauté africaine et les groupes de militants au Ghana, au Bénin et au Royaume-Uni, et en utilisant l'expérience de notre réseau existant, ce financement nous permettra, ainsi qu'à nos partenaires, d'étendre les avantages de notre réseau à un plus grand nombre de communautés intéressées. Le vidéo-documentaire fera la promotion de l'importance du ramatriement culturel et spirituel, en montrant que celui-ci fait partie intégrante de la réparation pour les communautés africaines et de descendance africaine. L'atelier pour les jeunes offrira une formation en matière de réalisation de vidéos et en communication afin de créer des liens et de renforcer la solidarité avec l'ISMAR et les mouvements mondiaux de lutte contre le changement climatique, tels que Extinction Rebellion. L'atelier, avec les chefs suprêmes ghanéens, servira de pilote pour alimenter la politique publique sur le ramatriement des Africains et la réparation de la planète par le biais des structures de leadership traditionnelles. Ensemble, ces activités apporteront une contribution positive à la Décennie internationale des Nations unies pour les personnes d'ascendance africaine (UNIDPAD) en promouvant l'importance de l'héritage et de la culture africains auprès des mouvements mondiaux pour la justice réparatrice et environnementale dont le besoin est si urgent aujourd'hui.

         Deuxièmement, nous pouvons signaler que l'université d'Édimbourg, où nous avons tenu notre premier colloque international sur les réparations en 2015, a officiellement adhéré au Consortium des universités étudiant l'esclavage (USSC). L'USSC est un réseau d'universités qui permet aux "institutions participantes de travailler ensemble sur les questions historiques et contemporaines liées à la race et à l'inégalité dans l'enseignement supérieur et dans les communautés universitaires, ainsi que sur les héritages complexes de l'esclavage" [Traduction] dans la société actuelle. Les membres de l'USSC s'efforcent souvent de découvrir les liens historiques de leurs institutions avec l'esclavage des Africains et d'obtenir la reconnaissance officielle de ces faits, ainsi que de réfléchir à la nécessité de justice réparatrice et de réparations. À Édimbourg, notre travail au sein de l'INOSAAR et nos "principes de participation" ont été reconnus comme jouant un rôle actif pour encourager l'institution à adhérer à l'USSC, et nous continuerons à l’inciter à adopter officiellement nos principes comme base de consultation future avec les communautés internes et externes qui s'intéressent aux réparations. Les discussions sur ce sujet doivent commencer prochainement et nous vous tiendrons informés.

Dans la paix et la solidarité.

 

Photo par Judy Sutel